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DISCOURS
SUR LA LIBERTÉ,
PRONOIVCE le zo Nivôse an fo ^ par le Prési^
dent du Département de VYonne , d V ouver-
ture de V Assemblée solemnelle , formée pour
la célébration de la PalX conclue à Campo^
JFormio,
Citoyens,
Nous voilà réunis pour la célébration de îa
Paix ; la France la doit à ses braves guerriers ;
vivent les conquérans de la Faix ^ et vive laLiberte.
Cependant les élans extérieurs de ia joie ne se-
raient que de faibles démonstrations , et nos ac-
cents qu'un vain langage , sans le sentiment qui
leur donne du prix. A.u milieu des transports répu-
blicains qui animent cette assemblée , quel triste
sort serait celui d’un royaliste froidement insensi-
ble à l’allégresse publique! Quelle jouissance au
A
eu cet avantage
la liberté semble etre lap-
l’pvistence , et l’on ne
contraire , que celle d’nn citoyen vraiment digne
Me«î avanîares de ia lîbertel . • t
^ Cest pom la liberté que je parle, et je divise le
discours auquel j’invite un moment votre atten-
tion sons I s rapports suivans.
La nature créa l’homme libre comme tous les
autres êtres vivans.
Les rois ont été les, tyrans des peuples.
Les hommes et les nations à grand caractère,
ont secoué le joug des rois. >tattTPF
tout est libre dans la. NAT U H L,
‘•«filTis tout est soumis à l’ordre Les planètes , les e e-
xuens suivent l’impulsion d’un mouvement
et des loix physiques j les êtres £
soient , jouissent du premier droit de la ,
uns parcourent les fleuves et les meis, 1
les peines , les montagnes, les bois; ^
en Lillan’t la terre, ceux-là planent dans 1 air,
mais tous avec une ^ -df nd ^
Le lion nerveux, a son reveu,-sori
tre et de la voûte des rochers quand 'I
flV rentre de mime ; le faon craintif et eger sau-
tiUe et onitte la mousse etlafeuilleequand bon
donne la brmche ou son nid mm an-
vont et viennent à leur gre ; en un mot , ^
nonce l'intention de la nature , et tout ce qui
b.s , i«ri”fdirn
IJCi ^
m U «.pmK, q«'» »il«« '1“
lions de l’homme social.
3 , )
On pourrait observer ici, que tout animal est
innocent, et que l’homme seul inventa les crimes;
sous ce rapport, la loi doit punir et enchaîner les
coupables et les hommes dangereux. Ah ! si l’er-
reur et le crime ont été les fruits amers de la so-
ciété, c’est dans son sein que naquirent aussi les
vertus qui font les délices et l’honneur de l’huma-
nité. La brute ne connaît que l’appétit grossier
des sens ; l’homme moral dont l’ame spiritualise
l’existence , a souvent mérité des autels sur la terre,
par des qualités sublimes et par le génie.
MAIS POURQUOI CES BASTILLES DES
ROIS , ces prisons de tant d’innocentes victimes,
et par quelle fatalité, par quel contre-sens aux
leçons , aux volontés éternelles de la nature , le
premier être du globe , l’homme créateur de la
raison et de la pensée, cet erre étonnant et libre,
est-il donc devenu le sujet et l’esclave d’un roi son
semblable ? et de quel droit telle dinastie , Bour-
bons ou Capet , qu’importe , de quel droit telle ou
telle famille voudrait-elle asservir en souveraine
toutes celles qui composent la nation?
Ce n’est pas dans les chartes des peuples civi-
lisés, qu’on trouverait l’écabbssement des préten-
dus droits des despotes , mais bien dans les codes
barbares des fauteurs de la tyrannie.
Gui, Citoyens , tout peuple, en se donnant un
chef sous le nom d’empereur ou de roi , voulut
et crut avoir un défenseur , un bienfaiteur , un
père : les peuples seraient en effet les pupilles des
bons rois, s’il pouvait en être. Il suit de ces condi-
tions , sans lesquelles tout pouvoir est injuste et
coupable, que tout tyran, tout despote ,toiir maî-
tre des nations , tout roi non soumis lui-même à
la loi qui est la volonté publique, n’est qu’un par^-
jure et qu’un sacnlege ; car îe bonheur est tou-
jours pron>is au peuple et lui est tanionrs du ;
et malheur à qui lui manque de parole.
Les rois n’ont jamais tenu la lequr : armés de
toutes parts , ils ont insolemment franchi les
bornes politiques qui fixaient leurs pouvoirs; ils
ont donné leur volonté pour la lol vivante ; ils ont
divisé les Peuples , et les ont massacrés les uns par
les autres pour les jetter dans 1 esclavage ; ils ont
payé des oroneurs , et limposture privilégiée
n^avair pas honte de nous catéchiser en procla-
mant conioxie droits diviîis les pouvoirs usiupésdes
tirans qui Ta soudoyaient.
Les rois, au reste , ont toujours dénature ks
institutions des peuples au profit de leur puissance,
et le perfide talent des cours ne fut jamais que l’art
de tromper ^ d’abaisser , d’humilier les hommes,
et d’en faire autant de serfs et d’esclaves à corvées,
à tributs, et à milices.
DiFFEIdf.NS PEUPLES oftrenr à l’ad mi ra-
tion universelle d’illustres CitoyenS_,,eî des Repu-
Clins ma.les et indomptables; tel fut îe grand Caton.
Ce vertueux romain voyant sa Patrie dominée par
un maître , par César , vainqueur aspirant 'à la
royauté, se déchira les entrailles dans sa colère
héroïque.»
O mânes révérés, d céleste Caton; les hommes
de sénie de toutes les nations cor été tes admira-
teurs; et tes juges aussi grands qu’infaillibles, se
seraient-ils jamais douté que d’impuissans raison-
neurs tenteraient un jour de prouver en France
que les neveux des antiquesGaaloiSjfiers vainqueurs
des romains, et que les Français trop long-tems
victimes des rois , ont eu tort de secouer le joug
de ces meurtriers de leurs semblables. Royalistes
français , enfans dénaiines de la Patrie , la posté-
rité ne vous donnera jamais raison 1. ..
Cependant lorsqu’un roi fait la guerre par ca-
price et pour^des conquêtes , ou pour asservir les
Peuples, après les avoir désolé, exterminé les uns
par les autres , il devient le bourreau de l’humanité,
et tout homme alors tient de la nature, et puise
dans le contrat social le droit de rimmoler ; car
la guerre est un fléau destructeur qui frappe de
mort des générations entières; or, il vaut mieux
qu’un périsse que tous : oui , l’assassinar de César
est un acte de vertu publique, et l’un des plus
grands de la terre.
C’est d’après ces principes immuables, dictés par
la justice et par la raison , contestés par la seule
ignorance eu par la mauvaise foi , que les noms des
Brutiis et des Scévola sont en vénération dans
l’univers policé.
• Et toi , grand Thell ! défenseur intrépide de la
Liberté helvetique, les Suisses te révèrent ; à ton
nom les tyrans pâlissent! reçois ici comme par-tout
les couronnes civiques, présentées à ton buste par
la main des hommes libres ! Toi, sublime citoyen
de Genève , l’ami des Nations , le restaurateur de
leurs droits ! toi , Franklin , Philosophe créateur de
l’indépendance américaine! ô vous tous, mânes
si chers à la Liberté ! recevez aujourd’hui dans le
Temple des Républicains, les hommages dûs à la
grandeur d’ame comme à la vertu; vos noms res-
teront à jamais gravés sur nos marbres et dans
nos cœurs.
Apparais sur-tout, Barneveld ! ô grande ombre!
victime trop illustre des tyrans de la Hollande:
crois-en les vertueux Républicains qui t’hono-
rent l’auguste bâton sur lequel s’appuya ta vieil-
iesse , mille fois vénérable, pour s’aider à monter
suri echafPautoù tu reçus la mort par les ordres du
Stâtouder, porte une impression dans les âmes qui
soulève contre les tyrans^ et ce bâton, soutien de
l’innocence et de la vertu immolées, vaut mieux
que tous les sceptres des rois, et les brisera tous.
O grands hommes! la politique des tyrans cher-
cha vainement à répandre des nuages sur les traits
éclatans de votre vie: vos sublimes leçons ont>
été entendues , et rhumanité n’a jamais perdu de
vue les étincelles du génie , les vertus héroïques
et les services immortels de ceux qui l’ont honorée,
et des défenseurs de la cause des peuples.
Ce sont vos préceptes et ces exemples , sans
doute , qui ont entretenu sur la terre le feu sacré
de la Liberté, ^ '
De tous tems,au reste,qnelques Nations ont pré-
féré la mort àTesclavage. Les Corses , (vive Buo-
naparte),les Corses en sont un exemple rare dans
hunivers, et si le flambeau de la Liberté pouvait
jamais seteindre, c’est chez ce peuple qiron trou-
verait à le rallumer ; en effet , les annales de hhis-
toire prouvent que cette poignée d’hommes s est
battue dans tous les âges, contre tous lestirans,
et toutes les nations en 'faveur de sa Liberté. Ses
biens, son sang et sa vie , rien ne lui a cv^uté pour
la défendre, et ce peuple est vraiment digne d’a-
voir donné le jour à Buonaparte.
Les Nations qui se battent pour leur hvâépen^
dance, méritent les respects de l’anivers, en relevant
aux yeux des hommes l’Oriflamme de la Liberté
su prix de leur sang versé par les rois : c’est ainsi
qu’on fait les Bataves , les Suisses, les Polonois
malheureux, les Américains, et vous magnanimes
Français , aujourd’hui l’honneur de l’humanité.
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( 7 ), , .. 5
Au milieu du cahos des evenemens divers qut
tourmentent le séjour de la Grande Nation, on
rencontre la source de la Liberté nouvelle qui sem-
ble prendre une date fixe à la naissance de l’Lre
républicaine française: cette source paraît jaillir
aux yeux de l’observateur attentif du point de
contact entre le nouveau et l'ancien monde.
Deux grands peuples, en se rapprochant pour
la euerr. de l’indépendance , semblent s’etre mu-
tuellement électrisés. En effet, l’Amérique mécon-
tente des rois de l’Angleterre, commençait a se-
couer et vouloit briser leur joug tyrannique ; 1 in-
justice îévolre ; la France seconda les efforts de
l’Ameriquejdéjà nos braves soldatss’embarqucrevit,
et sous les yeux des Anglais vaincus , ils arborèrent
le pavillon de l’indépendance des Américains. A
leur retour on célébra leur victoire , et c est aux
récits de ces guerriers , c’est à leur exemple que le
Français commença de s’enflammer pour la Li-
berté. „ , • .
Déiàles Philosophes de tous les Peuples avaient
proclamé la vérité sur la terre ; les livres des hora-
mes de génie rappelaient aux Nanons leurs droits;
les rois brûlaient ces écrits, emprisonnaient les Au-
teurs, les tenaient dans les bastilles, mais en vain ;
la pensée ne peut être captive; la lumière conti-
ïîuait de sortir à pleins flots des observatoires de la
raison , et se communiquait de ville en ville et
de proche en proche ; cette communication fut
rapide; vous le savez , Citoyens, en fait d héroïs-
me, de vertu, de liberté, le cœur des Français est
puissamment électrique.
C’est de cette commotion sublime que sont sortis
tant de traits éclatants, et tels ont été les divers
élétnens régénérateurs de la Liberté.
La plume philosophique fit l’appel du Peuple
contre les rois et les tiranç; la bayonnetre répu-
blicaine y répondit par un cliquetis victorieux , et
nous donna la Paix.
Vive la Paix, la Liberté et la
République.
A AUXERRE, de l’Impriiaerie de Baillif , an TÉ