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MIMOGEAPHIE,
ou
ESSAI D'ÉCRITURE MIMIQUE, &c,
PAR
M. BÉBIAN.
Paris, 1825.
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FOR THE
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THE CHARLES BAKER COLLECTION
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MIMOGRAPHIE,
ou
ESSAI D'ÉCRITURE MIMIQUE,
PROPRE A RÉGULARISER
LE LANGAGE DES SOURDS-MUETS.
A PARIS,
CHEZ LOUIS COLAS, LIBRAIRE,
RUE CAUPHINE, N°. 32.
1825,
PARIS. — IMPRIMERIE DE PAIN, RUE RACINE, N°. 4, PLACE DE l'oDEON.
Depuis long-temps on avait reconnu , dans
l'institution des sourds-muets, la nécessité
de soumettre à une méthode régulière et
uniforme l'enseignement, abandonné, jus-
qu'ici , à l'arbitraire ou aux tâtonnemens
de Chaque instituteur et de chaque répéti-
teur.
On avait remarqué une pareille incerti-
tude dans les signes destinés à mettre en com-
munication les maîtres et les élèves ; et dans
plusieurs exercices publics , on avait vu des
instituteurs , qui avaient une très-longue
expérience , embarrassés pour transmettre
quelques pensées aux sourds-muets , même
les plus instruits. La faute en fut imputée ?
ainsi qu'on peut le croire , à la nature du
langage mimique, dont on exagéra le vague
et l'irrégularité, parce qu'on ne l'avait pas
assez étudié pour en connaître toutes les
ressources.
Cependant , comme la première condition
IV
de tout enseignement est que le maître et le
disciple puissent s'entendre, le conseil d'ad-
ministration des sourds-muets qui avait déjà
adopté j pour servir de type h la méthode ,
le Manuel de V instituteur que je lui avais
présenté, jugea que, pour compléter ce tra-
vail , je devais tracer les principales règles
du langage mimique , et joindre à chaque
exemple la description des signes propres à
l'expliquer (i).
Mais il n'est pas plus facile de décrire des
gestes par des paroles , que de peindre des
paroles par des gestes. J'avais pensé* que
(i) Une commission formée dans le sein même du conseil
fut chargée d'examiner cet ouvrage. D'après son rapport, il
fut arrêté que Son Excellence le garde des sceaux serait prié
d'en autoriser l'impression, aux frais du gouvernement.
Cette démarche n'ayant pas eu le succès qu'on devait en
attendre, le conseil n'a pas voulu laisser dans l'oubli un
ouvrage jugé indispensable à l'enseignement , et a pris des
mesures pour qu'il soit publié sans retard.
1 Essai sur les sourds-muets et sur le langage naturel.
1817. — Éloge de l'abbé del'Épée, couronné par la Société
royale académique des sciences.
l'on pourrait arriver au même but , en sub-
stituant à une description de ee genre , tou-
jours longue, quelquefois embarrassée, et
souvent inintelligible, une écriture mimo-
graphique, c'est-à-dire des chiffres, des ca-
ractères, propres . à peindre le geste, de la
même manière que les lettres peignent la
parole.
J'ai déjà exposé , dans une lettre au con-
seil les avantages qui pourraient sortir de
l'établissement d'une pareille écriture. J'of-
fre maintenant aux instituteurs le résultat
de mes recherches ; je l'offre aux parens et
aux amis des sourds-muets, et à tous ceux
qui prennent intérêt à l'avancement d'un
art cher à l'humanité.
L'enseignement des sourds-muets n'at-
teindra à sa perfection, que lorsqu'on aura,
pu composer un vocabulaire mimique, as-
sez fidèle pour servir de régulateur au lan-
gage des gestes.
Si. l'on juge que je n'ai pas complètement
réussi, je crois du moins avoir assez fait
pour qu'il reste prouvé que la peinture du
langage d'action n'est pas une entreprise
chimérique. J'ai tracé la route; un autre,
plus habile ou mieux secondé , atteindra le
but.
MIMOGRAPHIE,
ou
ESSAI D'ÉCRITURE MIMIQUE.
Il y a oui langage qui est de tous les lieux et de
tous les temps , dont le type est partout le même ,
parce qu'il est l'expression de notre organisation qui
ne varie pas; un langage qui a précédé toutes les
langues, et qui a présidé à leur formation; qui,
dans ses formes générales, est également compris
sous la hutte du Huron et sous la tente de l'Arabe;
sous le chaume, comme sous les lambris dorés. Nos
premiers pères l'ont parlé , et il sera entendu de nos
derniers neveux.
Par ce langage, l'homme n'est nulle part étranger
à l'homme. C'est par lui que deux sauvages , de tri-
bus éloignées, entendent réciproquement leurs pen-
sées, sans entendre leurs langues. Par lui le voyageur,
égaré loin de sa patrie, sait demander un abri pour
reposer sa tête, des alimens pour réparer ses forces.
Qui jamais a pu se méprendre sur le signe de la
faim ou de la soif, du plaisir ou de la douleur, de la*
crainte ou de la confiance 2 Qui jamais a pu çonfon,^
a
dre le geste de l'humble prière et celui de la colère
menaçante, l'expression affectueuse de la bienveil-
lance et celle de la haine qui repousse?
Admirable effet de l'union de l'âme et du corps,
de l'esprit et de la matière : tout ce qui se passe au
dedans de nous se réfléchit et dans notre physiono-
mie et dans nos gestes.
De cette double porte ouverte à nos idées sort un
langage aussi riche qu'expressif, le langage mi-
mique. C'est la langue de ceux qui n'en ont point ;
c'est celle des sourds-muets; ou plutôt, c'est le lan-
gage propre de l'espèce humaine.
Dieu ne nous a pas donné l'intelligence pour qu'elle
restât emprisonnée dans le cerveau ; mais pour qu'elfe
se manifestât à l'intelligence de nos semblables : et la
pensée, essentiellement expansive, n'a pas attendu
l'invention de la parole^pour éclater et faire rayonner
au dehors sa lumière et sa chaleur. Le langage d'ac-
tion en fut l'expression primordiale. S'il nous paraît
être devenu, en quelque sorte, le privilège du sourd-
muet, c'est que le besoin, ce maître industrieux r
génie de l'invention, en développe en eux toutes les
ressources; tandis que l'usage héréditaire et si com-
mode de la parole nous fait négliger et oublier notre
propre langage. Maintenant nous admirons le geste
expressif du sourd-muet, comme la noble dame chi-
noise, chancelant sur ses petits pieds délicats , admire
la femme du peuple qui marche droite et alerte.
On se trompe étrangement quand on suppose que
le langage d'action n'est, propre qu'à dessiner impar-
faitement aux yeux les formes des corps, ou à repro-
duire, par l'imitation, les actes physiques. Il est
3
bien mieux l'interprète des sentimens et des pensées.
Aucune langue n'est plus propre à porter dans l'âme
de fortes et de profondes émotions; et s'il était aussi
heureusement cultivé qu'il mériterait de l'être, sa
clarté et sa précision dans l'expression des actes de
l'entendement, égaleraient, peut-être, sa véhémence
et sa chaleur dans la peinture des passions. C'est ce
double caractère du langage d'action qui produisait
ces merveilles que l'on nous raconte des anciens
pantomimes, et que nous sommes, tentés de reléguer
parmi les fables de l'antiquité.
Nous savons que l'art des Pilade et des Bathylle
balançait, effaçait, sur le théâtre de Rome, l'art des
Sophocle et des Ménandre. Si cette préférence fait
peu d'honneur à la délicatesse et à la pureté du goût
des Romains, ce serait aussi faire trop d'injure a
leur esprit, que d'assimiler ,"à la pantomime informe
de nos théâtres, cette pantomime ancienne, tour à tour
gracieuse ou pathétique, sévère ou voluptueuse,
toujours pleine de noblesse et de vérité, qui faisait
les délices du sénat et du peuple, charmait Auguste,
et sut plaire même au grave Sénèque.
Nous en prendrons une plus juste, une plus noble
idée dans le jeu muet de Talma. A travers sa phy-
sionomie mobile percent toutes les pensées qui se
pressent, se combattent ou se heurtent dans son
esprit; tous les mouvemens de son âme échappent
au dehors par un geste expressif, et viennent saisir
et remuer l'âme du spectateur. S'étonnera-t-on qu'a-
vec de tels élémens naturels, développés et combinés
avec habileté, le génie de Roscius ait pu se créer
un langage qui luttait d'énergie, de précision et de
4
flexibilité, avec les périodes harmonieuses de Cicéron ?
Après Roscius et Ésope , Pilade et Bathylle élevèrent
la pantomime à un degré de perfection qu'elle ne
paraissait pouvoir jamais atteindre.Leurs successeurs,
toujours plus encouragés, plus honore's, voulurent
justifier ces faveurs par une laborieuse émulation, qui
tourna à la gloire de l'art. Il faut voir dans Lucien
et dans Cassiodore , combien de qualités, combien
de connaissances on exigeait de l'homme qui se
destinait à cette carrière difficile. La .grammaire, la
poésie , l'histoire , la philosophie , la géométrie ,
toutes les sciences , tous les arts devaient concourir
à former le pantomime.
Ce serait une question neuve et intéressante que
de rechercher les principes du langage d'action ,
d'en déduire les règles, et d'en développer les ri-
chesses. Un tel sujet, bien traité, n'intéresserait pas
seulement l'instituteur des sourds-muets; il ne serait
pas indigne de l'attention du philosophe; le gram-
mairien y trouverait de grandes lumières sur la mé-
taphysique du langage, et l'artiste y pourrait puiser
d'heureuses inspirations.
C'est le langage d'action qui donne la vie et le
sentiment à la peinture, à la sculpture, comme à
l'art du comédien. C'est lui qui, animant la toile et
Galathée, nous enivre, comme Pygmalion, d'admi-
ration et d'amour; c'est lui qui, reproduisant, sous
le ciseau, les douleurs de Laocoon ou de Niobé,
Sur un marbre expirant nous fait verser des pleurs.
C'est de lui que la poésie emprunte ses plus vives.
5
images , et l'éloquence ses plus sûrs moyens d'entraî-
ner et de persuader. Tel est enfin son empire sur les
cœurs et les esprits, que, pour se soustraire à son
influence trop puissante, le tribunal le plus sage de
l'antiquité, l'aréopage, ne prononçait ses arrêts que
pendant la nuit.
Je ne prétends pas considérer le langage d'action
sous un point de vue si élevé et si étendu; je l'ai en-
visagé dans son application immédiate, dans ses rap-
ports avec l'enseignement des sourds-muets ; je l'ai
étudié chez ces infortunés , dont il est la langue
habituelle. Comme c'est l'expression fidèle et naïve
de leur esprit, on pense bien que l'on doit y trouver
les traces fréquentes de leur ignorance et de leur
inexpérience. Mais , tout imparfait , tout informe
qu'il se montre encore en eux, il ne manque quel-
quefois ni de grâce, ni de force , ni de souplesse, et
laisse entrevoir tout ce qu'il pourrait devenir, si
tous les instituteurs voulaient réunir leurs efforts,
pour le développer d'après un plan régulier et lo-
gique.
Il est reconnu que la perfection des signes du
langage exerce la plus grande influence sur la forma-
tion des idées, et même sur le développement de l'in-
telligence : et ce n'est pas trop en présumer, que de
dire qu'un système régulier de signes établis sur la
nature et sur l'analogie des idées, allégerait de moitié
la tâche de l'instituteur et. le travail des élèves.
On ne saurait donc accorder une trop sérieuse at-
tention à cette partie si importante de l'art d'instruire
les sourds-muets.
Mais pourrait-on se flatter d'exposer et de fixer
6
les règles d'une langue, sans faire connaître les mots
de cette langue ?
Peut-on tracer un tableau satisfaisant du langage
d'action; peut -on en établir les règles, sans faire
connaître les signes de ce langage ?
Or, l'on tenterait vainement de décrire des signes
mimiques avec des mots. Cependant, si l'on veut
rapprocher, comparer, combiner ces signes, et sur-
tout, si l'on veut conserver et transmettre les résul-
tats d'un travail si précieux, il faut un moyen de
peindre ces signes , de les fixer sur le papier. La
peinture ordinaire serait d'un faible secours , fût-elle
aussi rapide et aussi facile qu'elle est lente et difficile:
La peinture est immobile , et le geste est un mouve-
ment.
11 faudrait pouvoir écrire la pantomime aussi vite
que l'on écrit la parole.
Voilà le problème qui m'a occupé , et dont la so-
lution ferait faire un grand pas à l'art d'instruire les
sourds-muets.
Je suppose qu'à côté de chaque mot l'on puisse
écrire le signe mimique correspondant. Si ce signe
est juste, s'il est l'expression fidèle de l'idée, il sera
adopté dans toutes les écoles. S'il est inexact, il pro*
voquera une discussion , qui éclairera les esprits et
amènera une correction. Le langage se perfectionnera,
se fixera, il sera le même dans toutes les écoles; et
ces améliorations, franchissant nos frontières, rétablir
ront, pour les sourds-muets, l'uniformité du langage na-
turel, au milieu de la diversité des langues, qui divise
les peuples. L'arbitraire et les systèmes erronés en se-
ront peu à peu écartés pour faire place à la raison et
1
h la vérité, qui peuvent seules obtenir l'assentiment
général et triompher de toutes les résistances.
On finira par établir un vocabulaire. Il sera né-
cessairement dans un ordre naturel, c'est-à-dire lo-
gique; parce que les rapports des signes entre eux,
sont parallèles aux rapports des idées. Le sourd-muet
pourra conserver les connaissances acquises, les for-
tifier par la classification, les augmenter par l'étude.
Les observations ne resteront plus isolées et person-
nelles; l'expérience et les travaux d'un instituteur ne
seront pas perdus pour les autres, et l'art ne sera
pas toujours à recommencer.
Telles sont les considérations qui m'avaient porté,
il y a long-temps , à chercher un caractère propre à
écrire les signes mimiques. Je ne me dissimulai pas
la difficulté de l'entreprise; mais je fus soutenu par
la perspective des avantages qui en doivent résulter
pour les sourds-muets. Des motifs étrangers à la chose
m'avaient fait suspendre ce travail déjà fort avancé;
le vœu exprimé dans le procès verbal des séances du
Conseil d'administration, m'a décidé à faire connaître
le résultat de mes recherches.
Quand cet essai n'aurait servi qu'à prouver que
l'écriture du geste n'est pas une tentative chimérique,
je ne croirais pas avoir tout-à-fait perdu mon temps;
j'aurais ouvert la voie à un plus habile , et le bien
arriverait tôt ou tard. Quelques personnes qui avaient
d'abord jugé la chose impraticable, en sont venues à
dire qu'il n'y avait pas grand mérite à une invention
si facile. Cette opinion me paraît d'un bien favorable
augure, puisqu'elle me donne lieu d'espérer que la
mimographie , n'étant embarrassée par aucune diffi-
8
oulté, atteindra bientôt à un degré de perfection qui
en garantira le succès. Si je ne m'aveugle point ,
récriture mimographique , telle que je l'offre ici , et
malgré tout ce qu'elle laisse encore à désirer, peut
déjà, dans son application, produire d'heureux résul-
tats. En fixant , avec le signe, le sens des mots, si fu-
gitif pour le sourd-muet, elle offrira un pivot solide
à l'attention, une aide à la mémoire, un instrument
d'analyse à la réflexion et à la démonstration; enfin,
les rapports des idées, rendus plus sensibles par l'ana-
logie des signes, pourront donner le jour à des aper-
çus intéressans et inattendus.
Je dois faire observer que je n'ai point prétendu
composer une écriture qui peignît immédiatement
les idées. Une écriture purement idéographique, si
souvent et toujours vainement cherchée, fût-elle
même hors de toute controverse, ce qui est impossible,
n'eût pu remplir mon but, qui est de faire connaître
aux sourds-muets la valeur des mots par le moyen
des signes qui leur sont familiers. Je me suis attaché
à représenter le signe mimique, sans considérer, pour
le moment, sa justesse. Ainsi, pour juger de cette
écriture, il ne faut pas demander si tous les signes
que nous écrivons sont l'expression exacte des idées;
mais seulement si les caractères que nous employons
peuvent peindre fidèlement le signe, quel qu'il soit.
Ce sera ensuite aux instituteurs à corriger, à perfec-
tionner les signes de leurs élèves, pour en former une
mgue régulière
'b
S 1
Mou premier soin , comme je l'ai dit, fut de cher-
cher à représenter le geste par un moyen si simple,
qu'il ne fût pas hors de la portée des plus jeunes
9
(élèves. Telle est la partie essentielle, fondamentale,
de cette écriture; c'est la seule dont il soit question
clans cette esquisse.
Mais, comme le papier ne saurait répondre, ainsi
qu'un interlocuteur, aux questions du lecteur, et l'é-
clairer, par une explication subsidiaire, sur les amphi-
bologies et les obscurités qui peuvent se rencontrer
dans mi langage encore trop peu étudié, je pense que
si l'on voulait mettre sur le papier un discours mi-
mique de quelqu'étendue , il serait indispensable que
le signe écrit fut encore plus clair, plus précis que le
signe vivant, tel que nous l'observons dans le langage
actuel des sourds-muets.
Je crois que l'on obtiendrait cette amélioration, au
moyen de quelques signes idéographiques, qui pour-
raient s'ajouter au signe mimographique, sans l'alté-
rer, et seraient destinés, soit à donner plus de préci-
sion à chaque idée , par l'indication du genre et
de l'espèce - , soit à éclairer l'expression collective de
la pensée, en établissant la nature de chaque expres-
sion considérée dans ses rapports avec les autres
termes de la proposition.
Mais on sent que ce système de signes secondaires
serait entièrement subordonné au degré de perfec-
tion du premier , qui en est indépendant , peut s'en
passer, et doit même le faire pendant long-temps;
puisqu'il s'agit d'abord bien moins d'écrire un long
discours mimique, que d'établir une sorte de voca-
bulaire , et de fixer le .sens de chaque mot isolément.
Comme , en second lieu , ce système de signes
idéographiques ne pourrait être à l'usage des élèves
commençons , et qu'il s'appuie sur une théorie qui
10
a besoin rie démonstration , nous le renvoyons à un
autre temps , afin de ne pas embarrasser un art de
pratique par des combinaisons pour le moment su-
perflues, et pour ne pas faire rejaillir sur un système
positif et tout entier appuyé sur des faits , la défa-
veur qui pourrait s'attacher à des spéculations tou-
jours contestables.
ÉCRITURE MIMOGRAPHIQUE.
SIGNES ELEMENTAIRES.
Planche I.
Si l'on considère la prodigieuse variété des signes
du langage mimique, on sera tenté de traiter de chi-
mère toute tentative qui voudrait le fixer sur le papier.
L'esprit s'effraie d'abord de la quantité de caractères
qui semblent nécessaires pour peindre cette multitude
indéfinie de signes.
On revient à des idées plus justes, quand on con-
sidère que pour écrire cette immense quantité de
mots, qui composent le vocabulaire de toutes les
langues qui se parlent sur la surface du globe , il ne
faudrait, peut-être, que trente ou quarante caractères
élémentaires.
Serait-il donc impossible de réduire aussi tout le
langage d'action à un petit nombre d'élémens , à la
peinture desquels on affecterait certains caractères ■'
II
Un signe mimique est composé d'un ou de plu-
sieurs gestes.
Un geste est un mouvement extérieur, partiel ou
général du corps.
Si nous pouvons trouver un caractère pour repré-
senter l'organe qui agit, et un autre pour le mouve-
ment qui est exécuté, le geste sera écrit; et il ne
nous manquera plus, pour compléter le tableau, que
de pouvoir indiquer, s'il y a lieu, l'expression de
physionomie qui accompagne quelquefois le geste.
Or, rien ne nous empêche de choisir un caractère
pour indiquer le mouvement. Prenons un fragment
de roue, ou le segment de; cercle que décrit l'oscilla-
tion du pendule : C , C , 3 ou O sera le signe général
du mouvement.
Par la position que nous donnons à ce caractère ,
et par un rayon que nous y ajoutons pour plus de
précision, nous spécifions ce mouvement, et nous
en indiquons la direction, de droite à gauche, de
gauche à droite , de haut en bas, de bas en haut, etc.
( Voyez planche I , première colonne.)
Ces caractères sont susceptibles de diverses modi-
fications.
Si le mouvement décrit une courbe , le rayon se
courbe de même (voyez colonne B); s'il est circu-
laire, le rayon s'arrondit ( colonne C, planche I).
La quatrième colonne de la planche I comprend tous
les mouvemens obliques.
TV. B. Il est important de faire bien attention à la
position du segment, pour ne pas se méprendre sur
la direction qu'indique le rayon dans les colonnes B ,
CetD:
12
Quand le segment indique un mouvement de droite
à gauche ou de gauche à droite, le mouvement,
courbe, circulaire ou oblique, s'exécute dans un plan
horizontal, sans hausser ni baisser la main.
Quand le segment est dirigé de haut en bas ou de
bas en haut , le mouvement s'exécute dans un plan
vertical.
L'explication qui est à droite du tableau se rap-
porte à la fois aux trois colonnes B, C, D.
Le premier caractère de la colonne B exprime un
mouvement courbe de gauche a droite et de devant
en arrière.
Le premier caractère de la colonne C indique un
mouvement circulaire de gauche à droite et de
devant en arrière.
Le premier caractère de la colonne D exprime un
mouvement oblique de gauche à droite et de devant
en arrière.
Sous le titre de mouvement de flexion, il faut
comprendre le mouvement par lequel l'organe se
ferme, comme dans les signes de fermer la main ,
fermer la bouche , fermer les yeux. Le mouvement
d'extension est l'opposé.du mouvement de flexion;
il faut donc comprendre, sous ce titre , le mouve-
ment de l'organe qui s'ouvre comme dans : ouvrir les
jeux, ouvrir la main, etc., etc.
Nous avons réuni , sous la dénomination de mou-
vemens propres , deux espèces de mouvemens jqui
s'exécutent dans la partie même, sans entraîner les
parties attenantes :
i°. Mouvemens de rotation (a) de droite à gauche,
i3
ou de gauche à droite ; comme quâhd la main tourne
sur le poignet , ou la tête sur la colonne vertébrale.
2°. Mouveinens de droite à gaitche'ou de haut en
bas (b) , analogues à ceux qu'exécute la main dans
l'articulation du poignet et de l'avànt-bras, et par
lesquels elle se porte légèrement de droite à gauche
ou de gauche à droite, sans que le bras se meuve.
N. B. Si l'organe n'est susceptible que d'une seule
espèce de mouvement, c'est-à-dire, si dans son mou-
vement il n'entraîne jamais les parties attenantes
nous nous servons des caractères généraux (colonne
A , B , C , D ) comme plus précis, et d'une forme plus
nette.
Pour indiquer les modifications dont chaque mou-*-
vement est susceptible, nous faisons Usage d'accens
que nous plaçons sur les caractères du mouvement
pour indiquer s il est lent ou vif, bref ou prolongé
successif ou réitère , exécute avec apparence de force
ou de faiblesse, de pesanteur ou de légèreté.
Un même caractère peut, au besoin, recevoir à la
fois plusieurs de ces accens.
La forme de ces accens est arbitraire; cependant
pour aider la mémoire , nous avons voulu les emprun-
ter à des objets ou à des signes déjà connus.
L'accent de la vitesse rappelle les ailes d'un oiseau
ou le dard d'une flèche.
L'accent delà lenteur est emprunté à la disposition
des cornes du bœuf. Celui de la brièveté est connu-
c'est un signe de prosodie. Je l'ai renversé pour indi-
quer la modification opposée.
L'accent du mouvement successif est une ligne
brisée.
i4
J'entends par mouvement successif ce\w\ qui s'exé-
cute par une suite de petits mouvemens interrom-
pus, mais se poursuivant dans la même direction.
Planche II.
i°. Caractères de la main.
La main est le principal instrument du langage
mimique. C'est la main qui exécute la plupart des
signes, avec ou même sans le concours de la physio-
nomie. ( Voyez planche III, B. ) C'est aussi, de tous
les organes du geste, le premier que nous chercherons
à peindre.
Le caractère que nous adopterons est le dessin
même de la main réduit au trait essentiel. On en
trouve le type dans la figure que l'on tracerait en
suivant , avec un crayon , le contour de la main
appuyée sur une table ou sur du papier.
Les diverses positions que nous donnerons à ce
caractère, indiqueront les positions analogues de la
main. (Planche II, A. )
Nous avons constamment donné, dans cette plan-
che, un signe à chaque main. On peut donner le même
signe à l'une et à l'autre main, ayant soin de le sur-
monter d'un accent grave (de droite ci gauche} pour
la main gauche, et d'un accent aigu (de gauche a
droite) pour la main droite : c'est assez pour prévenir
toute incertitude. Par ce moyen , le nombre des
signes de la main se trouvera réduit de moitié.
.5
La première colonne double représente les di-
verses positions de la main vue de dos.
La deuxième , la main vue de face.
La troisième et la quatrième, la main vue de pro-
fil , soit par le bord externe ( colonne 3 ) , soit par le
bord interne ( colonne 4 )•
La boucle que l'on remarque dans les caractères
de la deuxième et de la quatrième colonne, représente
la ligne qui contourne, dans la paume de la main ,
l'éminence du pouce; et rappelle ainsi que, dans ces
diverses positions , la paume de la main est en vue
de celui qui gesticule. Cette boucle sert à distinguer
ces caractères de ceux de la première et de la deuxième
colonne.
Les signes de la première tranche horizontale se
répètent fidèlement pour la forme , mais avec des
changemens de position , dans les tranches 2,3, 4-
Ce sont encore les mêmes signes que l'on retrouve
dans les tranches 5 et 6 ; mais seulement ils y sont
racourcis, parce qu'ils figurent la main vue en ra-
courci, telle qu'elle s'offre à l'œil, lorsque la pointe
des doigts est dirigée horizontalement en avant
( tranche 5 ) , ou bien tournée contre la poitrine
( tranche 6).
On peut remarquer que tous ces signes peuvent se
rapporter aux quatre caractères doubles de la pre-
mière tranche.
Les mêmes signes , légèrement modifiés , repré-
sentent les doigts rapprochés par leur extrémité
( tranches 7 et 8 ).
i6
Caractères des diverses parties du corps. ( Planche
S. B-)
Le dessin nous donnera encore pour toutes les
autres parties du corps des caractères représentatifs
qui, pour être compris et retenus, n'exigeront ni
effort d'attention ni effort de mémoire, parce qu'ils
ont toujours un rapport direct ayec la chose signi-
fiée.
Ces caractères n'indiquent pas sous quelle face
chaque partie est censée représentée ; s'il faut le
marquer avec précision, nous faisons usage d'accens
imités du caractère déjà connu du mouvement, les-
quels indiquent s'il s'agit de la partie antérieure ou
postérieure, supérieure ou inférieure, droite ou gau-
che, ou même s'il est question de l'intérieur de l'or-
gane. ( Voyez planche I. )
JS. B. Les boucles que l'on remarque dans les ca-
ractères de la sixième colonne, planche II, correspon-
dent aux articulations des parties désignées.
Le caractère d'une partie étant adopté , nous en
formons les caractères des sous-divisions, au moyen
d'un trait qui coupe et est censé retrancher la partie
dont il n'est pas question. Ainsi, s'agit-il de désigner
l'ayant-bras , nous barrons la partie supérieure du
caractère qui correspond à la portion fémurale du
bras. Faut-il, au contraire , indiquer cette dernière
partie, la barre traversera la partie inférieure du ca-
ractère, laquelle représente l'avant-bras (figure 9,
colonne 6 , planche II ).
C'est par le même procédé que nous désignons la
*7
jambe (figure 6 , colonne 6 ), la jambe et le pied
(figure 7 ) , le pied (figure 8).
Quand nous voulons indiquer seulement la partie
articulaire, comme le coude, l'aisselle, ( figure 12),
l'épaule, (figure 11), nous la marquons par un point.
Points phjsionomiques.
Nous savons déjà indiquer, par nos chiffres mimo-
graphiques, et l'organe qui gesticule et le mouve-
ment qu'il exécute. Nous pouvons donc écrire la plus
grande partie des signes.
Mais il arrive souvent que le signe est modifie par
le mouvement de la physionomie : il faut donc pou-
voir écrire aussi ce troisième élément du langage
mimique.
Mais les causes % qui mettent en jeu la physiono-
mie, peuvent se combiner et se modifier de mille
manières différentes. Il en résulte une infinie varié-
té de nuances dans les expressions de la physiono-
mie. Tenterons -nous de les reporter toutes sur le
papier? Le pinceau du peintre le plus habile se trou-
verait en défaut. Il n'est pas même donné à toutes
les physionomies de réfléchir tous les mouvemens de
Tâme.. Et parmi les expressions du visage qui nous
paraissent les plus significatives, combien y en a-t-il
qui ne doivent leur clarté et leur énergie qu'au geste
qui les accompagne ? La mimographie ne peut pré-
tendre à une précision qui est refusée au langage
vivant, dont elle est la peinture. Nous croirons avoir
atteint le but, si nous pouvons indiquer les exprès-
sions de physionomie qui sont nécessaires a la clarté
de la pensée.
Mais le jeu delà physionomie n'est pas toujoursunélé-.
ment indispensable du signe. Ce n'est souvent qu'un
agréable accessoire qui colore et anime le tableau de la
pensée. Nous pouvons, la plupart du temps, nous dispen-
ser de l'indiquer. L'intelligence du lecteur y suppléera
facilement par le sens même du signe. C'est ainsi
que nous reconnaissons, par le sens d'une phrase, le
ton et l'accent dont il convient de la prononcer.
Dans l'écriture ordinaire , nous n'avons que deux
signes pour indiquer l'intonation : le point d'admira-
tion et le point d'interrogation.
Nous conservons ces deux points dans l'écriture
mimographique, en les appliquant aux mêmes mou-
vemens de l'âme , exprimés non plus par des modifi-
cations de la voix, mais par des mouvemens du visage.
Nous y ajoutons dix autres points physionomiques
qui, par un léger changement, indiquent, chacun,
deux mouvemens opposés , comme le plaisir et la
douleur, l'affection et la haine, etc. Chacun de ces
points physionomiques peut désigner encore trois
degrés de la même expression, marqués par un, deux
ou trois points. Nous pouvons donc écrire, de cette
manière , vingt-deux expressions physionomiques ,
susceptibles, chacune, de trois nuances.
Il est important de ne pas se méprendre sur la
valeur et la destination de ces points physionomiques.
Il faut bien se garder de les prendre pour des signes
complets; ils sont au langage mimique ce que les
points d'interrogation et d'exclamation sont à la pa-
T 9
rôle ; ils sont destinés seulement à indiquer le jeu do
physionomie qui doit accompagner le signe.
Le nombre de ces points physionomiques n'en-
traînera ni embarras ni confusion ; parce que nous
avons eu soin de donner à chacun une forme bien
caractérisée, qui est une espèce de signe mnémoni-
que propre à en rappeler la destination.
Ainsi, le point physionomique de la gaîté (planche
II, colonne 7. C) est emprunté au caractère de la
bouche , et rappelle les mouvemens des lèvres dans
le sourire. Une disposition contraire caractérise le
point opposé (c).
Dans un visage épanoui par des sensations agréables,
les traits sont relevés, et semblent éprouver une douce
contraction de bas en haut ; dans le point physionomi-
que du plaisir ( planche II, colonne 7. D), emprunté
au caractère de la joue (avec lequel cependant il est
impossible de le confondre), le trait caractéristique
est relevé. Il s'abaisse, au contraire, dans le point
physionomique des sensations pénibles ou doulou-
reuses (d), où. les traits de la face sont affaissés.
Le même point du plaisir (D) s'incline (E) pour
indiquer le mouvement qu'éprouve la physionomie
quand nous sommes attire's vers ce qui nous plaît.
Le point de déplaisir (d), penché en arrière, indi-
que la physionomie de la répugnance, de la haine, etc.
Le même point, incliné en avant, rappelle l'expres-
sion delà compassion, qui nous attire vers l'être qui
souffre.
Le point physionomique de la modestie, du res-
pect (G), s'incline et se courhe en avant; l'opposé
se redresse en arrière (g).
Il eût été, peut-être, convenable, pour l'explication
de ces points physionomiques , d'y joindre une suite
de têtes d'expression bien dessinées ; mais je n'ai pas
cru devoir donner un tel air d'importance à une si
faible ébauche.
On peut ajouter quelques points physionomiques
à ceux que j'ai indiqués. On peut faire autrement;
on peut faire beaucoup mieux.
Combinaison des signes élémentaires dans l'écriture
mimographique.
Nous avons assigné des caractères à tous les élé^
mens du geste ; tous ces caractères peuvent être ra-
menés à un petit nombre de figures qui, par leurs
formes ou leurs analogies, se gravent facilement dans
la mémoire.
Il s'agit maintenant de les combiner pour écrire le
signe, tel qu'il s'exécute à nos yeux.
Le caractère du mouvement à exécuter se place
après le signe de l'organe. Quand nous le plaçons
avant ce dernier, c'est pour indiquer le mouvement
que cet organe est censé avoir exécuté pour se mon-
trer dans la position où il doit être en commençant
le signe : c'est alors un signe de position. (Planches
I et III.)
Ainsi , si le geste commence avec la main fermée ,.
le signe de la main sera précédé du signe du mouve-
ment de flexion. (Planches III, Bf. i i, 19,23.) Si nous
avons à écrire le signe de ouvrir les yeux , comme ii
faut que les yeux soient préalablement fermés, le signe
2!
de l'œil sera précédé du signe de flexion. (Voy. plan-
che III, A, 8.)
C'est par le même moyen qu'on indique !a position
respective où sont les mains au moment d'exécuter le
signe. (Planche I.)
Essayons maintenant de faire usage de nos carac-
tères pour écrire quelques gestes ou quelques signes.
Prenons pour exemple le jeu des deux organes
dont les mouvemens sont les plus variés, dont le do-
maine est le plus riche et le plus vaste : je veux par-
ler de l'œil et de la main.
Le signe de l'œil est le dessin abrégé d'un œil vu
de profil. Nous y ajoutons un trait commun à tous
les signes des parties de la face : c'est une ligne qui
est censée marquer le profil depuis le front jusqu'au
menton. (Planche II, colonne 5.)
Fautril écrire le mouvement de l'œil qui regarde
en haut? nous écrivons d'abord le signe de l'œil, et
ensuite le mouvement de bas en haut. (Planche III,
A, i.)
Ce mot mimographique , composé de deux lettres ,
pourrait être traduit en latin par aspicere.
Faudrait-il écrire le signe correspondant à despi*
çere , regarder de haut en bas; au signe de l'œil nous
ajouterons le signe de mouvement de haut en bas.
(Planche III, A, a.)
Nous écrirons aussi facilement les signes de regar-
der à droite (A.y] 3 ^regarder à gauche (/^ 4)> regarder
en avant (prospicere) (f. 5), regarder autour (cïr-
cumspicere) (f. 6).
Il ne sera pas plus difficile d'écrire le signe de
fermer les yeux (J~. 7), ouvrir les yeux (f. 8 ).
22
Pour ce dernier signe, on peut faire précéder le
signe de l'œil du signe du mouvement qui se ferme ,.
afin d'indiquer que l'organe doit être fermé au mo-
ment d'exécuter le signe. On sent que ce soin est
presque superflu dans cette circonstance. Nous n'en
faisons mention que pour faire voir à quel degré de
fidélité minutieuse on peut porter l'écriture mimo-
graphique.
Si dans le signe qui exprime l'œil qui se ferme ,
nous ajoutons, sur le caractère du mouvement, l'ac-
cent diminutif, nous aurons écrit le signe de cligner
(planche III, À, 9); et si nous y joignons l'accent
fréquentatif, au lieu de cligner, nous aurons exprimé
clignoter.
Parcourons les autres signes de cette colonne :
A-f 10. Ouvrir de grands yeux, ou bien ouvrir
largement les yeux, comme dans l'étonnement.
f 1 r. Ce signe représente deux mouvemens simul-
tanés. Le mouvement de gauche à droite est sur-
monté d'un accent aigu, qui indique qu'il appartient
à l'œil gauche; l'accent grave du mouvement de
droite à gauche fait voir que ce mouvement est
exécuté par l'œil droit : c'est l'expression de louche/:
Presque tous ces signes peuvent être diversement
modifiés par les expressions variées de la physiono-
mie, qui peuvent les accompagner : on peut regarder
avec attention, avec plaisir, avec peine, avec com-
passion , etc.
Les signes^ 12 renferment, avec le signe de
regarder en haut, le point physionomique de l'at-
tention , d'une grande attention , d'une extrême
attention.
a 3
f. i3. Regarder en haut avec plaisir, avec Un extrême
plaisir. Le troisième des signes , compris sous ce.
chiffre, exprime, par le moyen de l'accent, un regard
prolongé accompagné d'un extrême plaisir. Il donne-
rait l'idée de l'extase.
f. \t\. Regarder en haut avec respect.
j. i5. Regarder en bas avec dédain.
f. 16. Regarder en bas avec plaisir.
f. 17. Regarder en bas avec compassion.
B. (Planche IJI. )■
Nous avons réuni sous cette lettre des exemples
de signes qui s'exécutent avec la main.
f. 1. Nous trouvons dans le premier exemple le
caractère de la main , tel que nous le présente le troi-
sième caractère de la deuxième colonne , planche II.
Le second caractère exprime un mouvement de
devant en arrière; c'est donc la main qui vient s'ap-
puyer, à plat, contre la poitrine.
On peut raccourcir le caractère de la main comme
dans le second exemple, si l'on veut le réduire aux
proportions ordinaires des lettres de notre écriture,
qui ne sont jamais plus larges que hautes.
~&f. 2. Le premier caractère est le même que le
premier de la première colonne, planche II; c'est la
main vue de dos, les doigts en haut. Le second carac-
tère indique un mouvement en avant. Ce signe peut
correspondre au pronom de la deuxième personne.
f. 3. La main (placée comme dans la première fig. ,
deuxième colonne, planche II) s'élève lentement vers le
ciel ; la physionomie exprime le respect : signe de Dieu.
f. 4. Je vois ici la main en racourci (comme dans la
*4
planche II, troisième colonne, cinquième figure ), lé
bout des doigts en avant , le bord externe en bds; le
mouvement en avant : signe du futur.
f. 5. Même position de la main ; grand mouvement
en arrière par-dessus l'épaule : signe du passé.
f. 6. La main comme dans la troisième figure dé la
première colonne, planche II ; mouvement en avant :
signe d'avant.
f. 7. La main horizontalement placée , la paume
tournée en bas , le bout des doigts en avant ( plan-
che II, colonne 1 , figure 5) ; grand mouvement dé
bas en haut : signe de grand . élevé.
f. 8. Mêmes caractères; le-signe du mouvement est
surmonté de l'accent successif: signe de grandir.
f. 9. Ici la direction du mouvement est changée : elle
est de haut en bas : signe de diminuer, rapetisser.
f. 1 o. La main fermée s'ouvrant plusieurs fois : signe
de pluralité.
f. 11. La main fermée s'ouvrant successivement (un
doigt après l'autre) : signe de quelque. Si l'on ajou->
tait le point physionomique de l'attention , ce serait
le signe de compter.
f. i3. Les mains, horizontalement, la paume en
haut; mouvement de haut en bas. Ce geste entre d.ms
plusieurs signes; il comporte l'idée de soulever.
Le second exemple offre le même signe avec abré-
viation; au Heu d'écrire les deux mains, nous nous
sommes contentés de l'écrire une fois avec les deux
accens de gauche et de droite.
f. \[\. Les deux mains jointes, comme l'indique le
trait d'union : signe de prière. Un tréma au lieu du
23
trait d'union, indiquerait les mains rapprochées, mais
sans se toucher.
f. 16. Les deux mains jointes avec un mouvement
contre soi-même : prière, supplication.
f. 17. signe composé des signes B 14 et A \l±:
prière au ciel.
f. 1 8. Les deux mains jointes éprouvant un mou-
vement de rotation (la gauche de droite à gauche, la
droite de gauche à droite) représentent un livre que
l'on ouvre : signe de livre.
f. 19. La main fermée se porte en avant et s'ouvre:
signe de donner.
f. 20. La main ouverte se porte en avant, reçoit,
se ferme et se rapproche de la poitrine : signe de
recevoir.
f. 21. La main placée horizontalement , la paume
vers la terre , se porte en has , se ferme et se relève :
signe spécial de prendre.
f. 22. Le même signe avec des accens qui modifient
les divers mouvemens : la main se porte lentement
en bas, saisit avec force et enlève avec vivacité.
f. 23. La main fermée est poussée en avant , et fait
un mouvement de rotation : fermer une porte.
Ces exemples suffiront, je pense, pour faire appré-
cier l'écriture mimographique, et faire juger com-
bien il faudrait peu de temps pour mettre le sourd-
muet en état de lire et d'écrire ces signes.
On a pu remarquer combien le langage mimique
est quelquefois concis, puisqu'il faut, souvent, trois
ou quatre mots français pour rendre un mot mimique
de deux ou trois caractères. De cette extrême conci-
26
sion naissait une des grandes difliculle.s que les mé-
thodes usitées eussent à surmonter, et qui s'aplanit
d'elle-même devant l'écriture mimographique.
On a proclamé depuis long-temps la règle fonda-
mentale de P'instruction des sourds-muets, daller
des idées aux mots ; mais quand on venait à l'appli-
cation , le principe était oublié, et c'étaient les mots
qui servaient de pivots à toutes les explications; c'é-
tait dans les mots que l'on cherchait les signes des-
tinés à les faire connaître aux sourds-muets.
Par la parole, nous analysons la pensée, et nous
en présentons distinctement les élémens l'un après
l'autre à l'attention de l'esprit , qui doit les recom-
biner et les réunir, pour recomposer et saisir, dans
son ensemble, le tableau que les termes de la proposi-
tion nous ont montré pièce à pièce.
Je n'ai pas besoin de dire que le sourd-muet n'est
pas, tout de suite, en état de faire cette opération.
L'analyse qu'il fait de la pensée est long-temps incom-
plète. Pendant long-temps il a plutôt le sentiment
que la connaissance de ses idées, Plus tard, le besoin
de comuniquer sa pensée le met dans l'obligation
de la décomposer, afin d'en présenter successive-
ment les élémens, puisqu'il ne peut l'exprimer dans
son unité collective. Mais l'analyse qu'il en fait par
le langage mimique, ne correspond pas exactement,
terme pour terme , à celle que nous faisons par la
parole; ces deux analyses diffèrent comme les instru-
mens qui ont servi à les exécuter. Les coupes opérées
par l'un et l'autre moyen sont rarement parallèles;
tantôt plus grandes, tantôt plus petites; quelquefois
elles se rapprochent, plus souvent elles sont diver-
a 7
gentes. 11 en résulte que telle idée qui, pour le jeune
sourd-muet, est, en quelque sorte, élémentaire,
parce qu'elle est encore indécomposée; est complexe
et composée de plusieurs élémens distincts pour celui
qui parle.
S'il nous arrive donc d'offrir aux sourds-muets ces
élémens, il ne pourra en opérer la combinaison pour
la rapporter à un modèle déjà connu de son esprit.
Que sera-ce si , à cette complication déjà trop
forte pour cet esprit novice , l'instituteur ajoute
l'analyse des formes grammaticales que le sourd-muet
ne connaîtra pas de long-temps.
Un exemple va faire entendre ma pensée.
Je suppose que l'instituteur veuille dicter au sourd-
muet ces mots : Regarder en haut avec un extrême
plaisir (planche 3. A. f. 1 3). Un seul signe pourrait ren-
dre ces six mots. On ne peut guère attendre du sourd-
muet qu'il décompose de lui-même ce signe, qui est
pour lui l'expression d'une seule idée, et qu'd en dé-
mêle des élémens. C'est donc au maître à le diriger.
Voyons comment ces mêmes mots seraient dictés
dans l'école de l'abbé Sicard, et combien cette expli-
cation exigerait de signes :
i°. Regarder demandera trois signes : i°. signe du
radical (je fais grâce du double voir, par lequel on
prétendait expliquer ce mot); i°. signe du mode
indéfini; 3°. signe du présent.
i°. En, signe complexe de la préposition qui ex-
prime le rapport indéterminé du contenu au conte-
nant; ce signe se fait, dans l'école, en traçant pu
l'air un cercle horizontal , dans lequel on plonge le
tloigt en divers endroits.
a 8
3°. Hûut, Un signe.
/i°. Avec , un signe.
5°. Un, deux signes: i\ signe île l'article iiulc-i
fini; a°. signe du genre masculin.
6°. Extrême. Ce mot , qui est un adjectif au super*
latif, et pourrait sei traduire par deux ou trois mots ,
exigerait au moins trois signes dans le système de
l'école.
7°. Plaisir, trois signes: signe du radical, signe
de l'adjectif, qui devient substantif.
Voilà, de bon compte, treize ou quatorze signespour
exprimer une idée que le sourd- muet peut rendre
par un seul geste»
Pour comprendre cette longue série de signes ana-
lytiques, il faut qu'il les réunisse en un seul tableau,
qu'il en saisisse tous les rapports d'un seul coup d'oeil,
et en combine tous les élémens divers en un seul
signe.
Il n'est pas difficile d'apprendre au sourd *• muet à
écrire les mots à mesure qu'ils lui sont dictés; le pu-
blic aveugle admire; mais l'instituteur consciencieux
ne peut se contenter de cette trompeuse apparence»
11 veut que l'élève comprenne tout ce qu'il lit et tout
ce qu'il écrit.
Le plus sûr moyen de l'amener à ce point , est de
se servir des signes qui lui sont familiers, pour lui
faire découvrir, dans l'idée même qu'il faut exprimer,
la raison de tous les mots que nous employons pour
la rendre dans notre langue.
Voilà le principe; mais l'application n'est pas tou-
jours facile. Les divers élémens d'une idée sont quel-
quefois si étroitement unis dans le langage mimique
a 9
qu'il est difficile de les isoler pour affecter à chacun lé
mot français correspondant. En effet, pour nous ar-
rêter à l'exemple cité, comment séparer le regard de
sa direction? comment montrer l'expression de l'or-
gane, sans montrer l'organe? La mimographie pour-
rait être ici d'une grande ressource; puisque, sans
détruire l'unité du signe, elle laisse voir distinctement
tous les élémens, qu'il est indipensable d'y reconnaître
pour y appliquer les mots qui doivent les traduire.
Ce n'est cependant là qu'un des plus faibles secours
que cette écriture pourrait offrir à l'instruction des
"sourds-muets. J'en ai exposé les principaux avantages
dans une lettre au conseil d'administration et au
conseil de perfectionnement des sourds-muets. Elle
servira de Complément à ce que j'avais à dire sur cet
objet.
EXTRAIT
D'une lettre adressée a messieurs les Membres die
Conseil d'administration et du Conseil de per-
fectionnement de l'institution royale des sourds-
muets de Paris.
Messieurs ,
En portant votre attention sur les obstacles qui'
entravent l'instruction des sourds -muets, vous avez
pu y reconnaître trois causes principales :
i°. Défaut de méthode, ou du moins défaut d'une-
méthode fixe et uniforme. Aucun accord de prin-
cipes, aucune harmonie dansle mode d'enseignement ,
aucun plan régulièrement coordonné, ne lie entre elles
les diverses classes où les élèves doivent successive-
ment passer. Chaque instituteur, professeur, ou ré-
pétiteur, abandonné à lui-même, sans guide ni prin-
cipes, flotte dans le vague , n'obéissant le plus souvent
qu'à l'empire des circonstances et à l'inspiration du
moment.
2°. Absence d'un système régulier de signes. O li-
sait que ce sont les notions exactes et précises qui
donnent naissance aux signes justes; et la justesse
des signes, à son tour, exerce la plus grande influence
sur la rectitude des idées. Dès lors on sent combien
3i
ï'1 serait important d'établir un système régulier de
signes fondés sur la double base de la nature des
klées et de leurs analogies. Un pareil travail est digne
de tous les soins des instituteurs.
3°. Défaut de moyens d'étude pour les élevés.
Cette difficulté a été tacitement si bien reconnue, que
l'on ne donne aucune espèce de devoirs aux élèves.
Tout le temps qui s'écoule d'une leçon à l'autre est
en quelque sorte nul pour leur instruction. Cependant
il est bien constant qu'il n'y a de vraiment fructueux,
pour le sourd-muet, que le travail solitaire de l'étude,
où l'esprit digère et s'approprie, par la réflexion, les
idées qui ont été éveillées pendant la classe. La leçon
du maître est la matière sur laquelle l'attention doit
travailler dans le recueillement; elle ne fait qu'indi-
quer à l'élève ce qu'il doit chercher et retrouver dans
son propre fonds; elle jette la semence que la réflexion
<loit développer et faire fructifier. Les perceptions de
l'étude sont pi us nettes et pi us profondes; on suit mieux
et avec plus de satisfaction l'enchaînement de ses pro-
pres idées. Les pensées, liées entre elles, cessent d'être
fugitives, et forment un ensemble solide et durable.
Si quelqu'une nous échappe, nous avons appris le se-
cret de la rappeler par le fil du raisonnement et àc
l'analogie; nous la retrouvons comme nous l'avons
découverte. Les progrès que l'on fait alors, les con-
naissances que l'on acquiert, produits directs de nos
efforts, deviennent une propriété plus personnelle.
Ce travail intérieur, qui est si fructueux, est aussi
rempli d'agrémens. On y prend le goût et l'habitude
de l'étude. Il développe notre capacité d'attention;
faculté qui constitue le plus éminemment la différence
32
des esprits. L'élève qui est toujours simple specta-
teur des leçons de son maître, est comme l'enfant qu&
l'on mènerait toujours à la lisière, et dont les membres,
constamment soutenus, n'acquerraient ni vigueur,
ni souplesse. C'est l'exercice qui développe les forces
de l'esprit comme celles du corps. L'étude, cette
gymnastique intellectuelle, est d'autant plus néces-
saire au sourd-muet, que ses facultés sont restées
engourdies dans une longue inaction. Il est superflu
de dire combien tous les momens sont précieux pour
cet infortuné, qui commence si tard et a si peu de
secours pour son instruction. Faut-il qu'il soit en-
core privé du moyen le plus efficace, du seul même
qui puisse assurer ses succès? FauUil qu'il soit con^
damné à ne tirer aucun fruit de la plus grande partie
du temps, déjà si court, que les règlemens, de votre
institution lui accorde? N'a^t-on pas lieu de s'étonner
que personne n'ait encore songé à remplir cette la-
cune dans l'enseignement ? Est-ce insouciance? est-ce
impuissance ?
Le travail privé de l'élève me paraît si important pouF
son avancement, que je ne doute pas qu'une heure
d'étude bien préparée et bien dirigée ne fût aussi
profitable que deux; heures de leçons ordinaires.
Les difficultés que je viens de signaler, et qui n'a-
vaient pas échappé à votre attention, sont grandes ;
mais elles ne sont pas insurmontables : elles ont fait
long-temps l'objet de nos méditations.
Dans l'ouvrage que vous avez bien voulu adopter
pour l'usage de l'institution , j'ai tracé , pas à pas ,
la marche (jue doit suivre l'instituteur dans l'ensei-:
gnement grammatical , base fondamentale d.e l'in-
33
struction des sourds-muets. J'ai cherché à dégager
l'art , de tout le faux brillant du charlatanisme, et de
toutes les superfétations d'une vaniteuse présomp-
tion. En rendant sensible, par divers procédés, la
valeur des formes grammaticales, et en traçant , à la
fin de chaque leçon, plusieurs modèles d'exercices,
j'ai voulu donner un premier moyen de faire étudier
le sourd-muet.
Mais ce n'est pas assez d'appeler son attention sur
Les lois qui président à la construction de la phrase ;
il faut aussi lui en faire connoître les élémens consti-
tutifs, c'est-à-dire, les mots. Avant d'étudier les mot»
sous les formes dont la syntaxe les revêt pour les
enchaîner entre eux et reproduire dans le discours tous
les rapports qui régnent dans les idées, il faut étudier
la signification propre, la valeur absolue, intrinsèque,
de chaque expression. C'est peu de connaître le mé-
canisme extérieur de la proposition, si l'on n'en sait
pénétrer le sens; mais c'est encore moins, si, con-
naissant la valeur des mots considérés isolément, on
ne sait combiner ces élémens dans l'esprit pour y re-
composer le tableau de la pensée exprimée. 11 est
donc indispensable de faire marcher de front l'étude
c/e la syntaxe et celle de la nomenclature ; car , si la
valeur des mots est nécessaire pour l'intelligence de
la phrase , d'un autre côté, c'est souvent le sens de
la phrase qui détermine la valeur de chaque expres-
sion.
Voilà pourquoi vous auriez désiré, Messieurs,
qu'après avoir établi le principe, j'en fisse aussi l'ap*
plicalion, et que j'ajoutasse au Manuel d'enseigne-
ment des sourds- i/iuc/s une nomenclature méthor
34
clique dressée dans Tordre de génération logique des
idées. Je sens toute l'importance d'un pareil travail;
mais j'en ai mesuré aussi les difficultés. Une nomen-
clature complète de ce genre offrirait le tableau
le plus vrai de l'histoire naturelle des facultés
intellectuelles : ce ne peut être l'œuvre que d'un
philosophe du premier ordre. Aussi, Messieurs, avez-
vous demandé que cette nomenclature fût restreinte
aux termes usuels.
Ici s'élève une nouvelle difficulté , celle de déter-
miner les limites dans lesquelles il faudrait renfer-
mer cette nomenclature , limites nécessairement va-
riables, se rétrécissant ou s'étendant selon l'intelli-
gence et le degré d'instruction des élèves , et sur-
tout selon la sphère où il est appelé à vivre. Je sais
que le directeur de l'institution, M. l'abbé Périer,
s'occupe , ou du moins a l'intention de s'occuper
d'une nomenclature méthodique et logique , appro-
priée aux besoins de chaque classe.Cette considération
suffit pour me détourner d'entreprendre le même tra-
vail.
Vous avez pensé, Messieurs, que pour compléter
mon ouvrage, il serait à propos d'y tracer les règles
du langage mimique, et de joindre, à chaque exemple
qui doit être mis sous les yeux des élèves, la descrip-
tion des signes qui peuvent servir à l'expliquer.
L'utilité d'un pareil travail a fait peut-être fermer
les yeux sur les difficultés de l'exécution.
Mais il est possible de remplir d'une autre manière
les vues de l'administration.
Convaincu, depuis long-temps, de la nécessité de
régulariser le langage mimique, et de former un svs-
35
terne régulier de signes, j'avais cherché les moyens
d'arriver à cet important perfectionnement. Il ne
m'avait pas été difficile de reconnaître que la pre-
mière condition du succès serait de parvenir à fixer
les signes mimiques sur le papier , afin de pouvoir
les étudier dans leurs rapports, les combiner, les clas-
ser, et ensuite conserver et transmettre les résultats
de ce travail.
Je pensai qu'il ne serait pas impossible de trouver
des chiffres pour écrire les signes, comme on écrit la
parole avec des lettres. Après beaucoup d'essais, je
m'assurai que les combinaisons d'un petit nombre de
caractères suffiraient pour représenter tous les signes
imaginables ; et que cette écriture pourrait être por-
tée à un tel degré de simplicité , qu'après huit ou dix
jours d'étude un sourd-muet pourrait en faire usage.
Ce n'est pas une écriture idéographique que je
prétends donner , mais une peinture exacte el fidèle;
du signe, tel que le sourd-muet l'exécute. Je sens
combien cet essai est imparfait ; c'est au zèle et à
l'expérience des instituteurs, et au concours de tous
les amis des sourds-muets, à le corriger et à le com-
pléter.
Je n'ai pas besoin de développer tous les avantages
qui pourraient en résulter pour l'avancement de l'art.
i°. Etablissement d'un système régulier et uni-
forme de signes, qui fixerait ce langage livré, jusqu'ici,
aux systèmes, aux caprices et à l'ignorance;
2°. Formation d'un vocabulaire mimique, aussi
utile au maître qu'à l'élève : l'un y trouverait les
signes mimiques des idées, et l'autre la signification
des mots;rr~- ^^^^ ssm 9'!Qt^^
36
3°. Moyen sûr, pour le sourd-muet, de conserver
les connaissances acquises, et de les développer pa?
l'étude.
Je n'arrêterai votre attention, Messieurs, que sur
ce dernier point, pour répondre au désir que vous
avez manifesté d'avoir un moyen d'exercer l'élève à
travailler seul : objet important, entièrement négligé
jusqu'ici.
Quand un instituteur a expliqué dans sa leçon une
vingtaine de mots, l'élève conserve ces mots sur son
cahier; mais il ne peut y fixer, en même temps, les
idées qui y correspondent. Si l'on a suivi l'ordre alpha-
bétique, les idées n'ayant aucune liaison entre elles,
l'élève n'aura aucun moven pour se reconnaître au
milieu de ce chaos. Si l'on a rapproché les mots d'après
l'analogie des idées, les nuances qui les caractérisent
étant souvent légères, la confusion sera quelquefois
facile. Je suppose donc que l'élève veuille mettre à
profit l'intervalle d'une leçon à l'autre, et revoir les
mots qui ont servi de texte à la démonstration de
l'instituteur; qu'arrive-t-il? Parmi le grand nombre
d'idées qu'ont éveillées les explications de l'instituteur,
si quelques-unes ont fui de sa mémoire, les mots
correspondans n'ont rien qui puisse les rappeler ;
car les mots n'ont, en eux-mêmes, aucun rapport à
l'idée. Il faut donc de nouvelles leçons. Ce n'est pas
tout, l'élève court encore risque ou de rapporter à un
mot une des idées accessoires qui ont servi à l'expli-
quer, ou, par une méprise bien plus grave, il confond
les mots entre eux, et donne à l'un la signification de
l'autre; au lieu d'avancer, il recule; car l'erreur est
plus loin de la vérité_mie l'ignorance. L'étude, dans
3?
cette circonstance, lui aura été plus nuisible que
profitable.
Il faut donc que l'instituteur emploie ses leçons à
rapprocher, cent et cent fois, et le mot et l'idée, jusqu'à
ce qu'il les ait fortement unis , et en quelque sorte gra-
vés l'un sur l'autre dans la mémoire de chaque élève.
Tout mot omis par le maître, tout mot oublié par
l'élève, est perdu pour l'usage de ce dernier. Ce n'est
qu'à la fin de son cours d'instruction qu'il sera peut-
être en état de comprendre une définition, et trou-
ver, sans autre secours que le dictionnaire, le sens
d'un mot qu'il ne connaîtrait pas ou qu'il aurait
oublié. Que dis-je ? sur vingt élèves qui sortent
chaque année de l'institution, il s'en trouve à peine
un qui soit assez instruit pour faire usage d'un dic-
tionnaire. Leur seul dictionnaire, c'est leur profes-
seur. Mais ce secours n'est pas toujours sous leur
main, et ils en sont entièrement privés lorsqu'ils
rentrent au sein de leur famille.
Mais, si à côté du mot (i), le sourd*muet pouvait
peindre le signe qui lui en a fait connaître la voleur,
il fixerait ainsi la signification si fugitive des mots;
il pourrait, sans risque de se tromper, revoir, étu-
dier la leçon du maître, et même la devancer. Il
(i) Voici une épreuve que j'ai faite en présence de plusieurs
personnes, sur un sourd-muet qui avait étudié la minio-
graphie pendant quelques jours seulement. A côté d'un mot
latin qu'il ne pouvait connaître, j'écrivais le signe mimogra-
phique, et il en donnait la traduction; et quand il lui arrivait
de ne pas trouver le ternie français , il 1 expliquait par ses
fîestes.
38
pourrait se former un vocabulaire où il retrouverait
au besoin toutes les explications qui auraient pu
échapper de sa mémoire. Il n'aurait plus besoin d'a-
voir recours continuellement à son instituteur; et
celui-ci, étant dégagé de la fastidieuse obligation de
revenir incessamment sur les mêmes mots cent fois
appris et cent fois oubliés , ils marcheraient tous deux
d'un pas rapide dans la voie d'une instruction solide.
3 9
EXTRAITS
DE DIVERS RAPPORTS FAITS AU CONSEIL d' ADMINIS-
TRATION DES SOURDS-MUETS DE PARIS , SUR LE
MAKUEL DE l'iNSIITUTEUR DES SOURDS-MUETS.
Extrait des registres des délibérations du Conseil
d'administration de V Institut royal des sourds-
muets de Paris. Séance du \[\juin i8a3.
Après avoir entendu le rapport sur l'ouvrage de
M. Bébian , l'Administration considérant que ledit
ouvrage est essentiellement nécessaire pour l'instruc-
tion; qu'il est tout d'application, et peut être regardé
comme le rudiment du langage des sourds-muets ~ r
qu'il offre l'avantage d'être également utile aux pères
de famille qui se chargeraient de l'instruction de leurs
enfans affligés de la même infirmité; témoigne sa
satisfaction à M. Bébian , l'invite à mettre la der-
nière main à son ouvrage, et arrête que Son Excel-
lence M. le garde des sceaux sera prié d'autoriser,
aux frais du gouvernement, l'impression dudit ou-
vrage au nombre de mille exemplaires.
Extrait du procès verbal des séances du Conseil de
perfectionnement de ï Institut royal des sourds-
muets.
Le conseil a reconnu en principe, non-seulement
qu'il est indispensable de donner aux instituteurs des
4o
sourds-muets un Manuel-Pratique dans lequel la mé-
thode soit fixée et décrite par une suite d'exercices \
mais que la rédaction et l'adoption d'un semblable
Manuel, est le premier pas à faire pour préparer les
progrès et le perfectionnement de cet enseignement,
et même pour empêcher qu'il ne dégénère et ne tombe
dans la confusion et le désordre, par l'arbitraire et
l'incertitude, qui ne manqueraient pas de s'y intro-
duire.
Le conseil a reconnu ensuite que le travail rédigé
par M. Bébian , sous le titre de Manuel de l'insti-
tuteur des sourds-muets , est propre à remplir ce but ;
qu'il satisfait aux besoins essentiels de l'enseigne-
ment, et qu'il promet de devenir, par les soins que
son auteur peut apporter encore à le compléter et à
le revoir, un véritable type normal qui donnera enfin
une forme précise et stable à la méthode.
Extrait d'un rapport fait au Conseil d'adminis-
tration , par M. le baron de Gerando.
M. Bébian avait déjà montré , par un Essai sur les
sourds-muets et sur le langage naturel, publié en
1817, l'étude approfondie qu'il avait fait de la théo-
rie des langues et des méthodes employées pour
l'instruction des sourds-muets. Appelé bientôt aux
fonctions de répétiteur ( et ensuite de censeur des
études ) dans l'établissement de Paris, il y fit preuve
du talent le plus distingué ; et nous ne craindrions
pas d'avancer que l'abbé Sicard n'a trouvé aucun
collaborateur qui ait mieux conquis sa pensée, et qui,
en appliquant sa méthode, en ait mieux perfectionné
4»
les détails. Son éloge de l'abbé de l'Epée a obtenu un
succès mérité.
Manuel des sourds-muets. (Suite du même
rapport. )
Le but de cet écrit est d'offrir aux. instituteurs des
sourds-muets l'exposition pratique et méthodique des
procédés à suivre dans l'instruction des sourds-muets.
Ces procédés sont ceux dont l'abbé de l'Epée et
l'abbé Sicard ont posé les principes et développé
l'application ; mais l'auteur y a porté une précision ,
un ordre, une clarté fort remarquables, et y a
ajouté un grand nombre de perfectionnemens.
En définitive, après avoir examiné cet ouvrage,
et subordonnant notre opinion aru jugement de nos
collègues , en reconnaissant que l'ouvrage a besoin
d'être revu et complété , nous n'hésitons pas à témoi-
gner non-seulement qu'un semblable traité manquait
à l'art, mais qu'il lui était essentiellement nécessaire.
Ce traité a l'immense avantage d'éviter aux insti-
tuteurs les tâtonnemens, les divagations, les essais
infructueux, qui sont inévitables pour un instituteur
qui s'engage dans ce difficile enseignement, avec le
seul secours que lui offrent les ouvrages publiés jus-
qu'ici , et ses propres méditations.
Il a l'immense avantage, d'affranchir l'enseigne-
ment pratique de l'influence des systèmes de méta-
physique et de grammaire générale qui peuvent être
propres à chaque instituteur, et dans la vaste éten-
due desquels il peut facilement s'égarer.
Il a l'avantage non moins précieux encore , et
4*
Unique jusqu'à ce jour, de pouvoir être mis dan4
les mains d'un père de famille instruit, d'un institu-
teur particulier qui n'aurait pu suivre les leçons d'un
établissement de sourds-muets.
Il a l'avantage de pouvoir, dans chacun de ces
établissemens , ramener sans cesse à l'unité les di-
verses branches d'enseignement confiées aux sous-
maîtres.
Enfin , quoiqu'entièrement pratique , il a pour
l'avancement de l'art en lui-même, cet avantage qu'il
offrira aux méditations des esprits philosophiques
qui s'occupent de ce beau et grand sujet, une matière
fixe et certaine qui leur tiendra lieu de l'expérience
des faits dont ils pourraient être dépourvus.
Caractères indicatifs cLil imotLvemeTLt .
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<-nan&r ae/-poxfiàons, empruntes ctuac caracfer&f au/7nvuiMnzencct'qtvCse>
~puce ^tàptXT'tibu/ièremenà' devant l& <ftart£ d& Ta- ~mazn/ a-auclie-, auand
^Jmu^Tnmmier ■sa-votritùn^ Telcdvveïnmt a/ui/mazn drorfo -
\L> ptità hazcéy tr\ piu> èaj
-O- pàltf etistwisarvt (j) plut erv arrière
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-Q^paià en, c/AMinô ef^pkitf fuacé;-
-&^j>Ima en'OAHmé e£ pêuà veitf .
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